jeudi 31 mars 2016

J'ai réussi à lui offrir son moment du midi !


De mauvais souvenirs. Des punitions dans le réfectoire. Des assiettes bien remplies qu'il fallait absolument finir. Des menus soit-disant équilibrés qui me dégoutaient. Betteraves, épinards, viande bouillie, plats en sauce sans goût et sans saveur...


Un silence de mort qui devait régner dans la salle, comme si nous n'avions pas le droit d'être des enfants joyeux, heureux et légèrement bougeons.
Et le manque de ma famille. L'éloignement, l'enfermement une journée entière à l'école, sans les voir.

Enfant, je détestais la cantine. Je ne voulais pas y manger mais je n'avais pas le choix. Les journées me paraissaient interminables. Et mes occupations aux heures de repas se réduisaient à une certaine mise ne retrait, ayant besoin de calme et de tranquillité. C'était dans mon caractère.

Le collège m'a définitivement fâché avec la restauration scolaire. Toujours aussi dégueu...le moment du repas n'était pas un plaisir. Voilà pourquoi j'ai choisi de manger chez ma grand-mère qui habitait tout près. J'avais ce besoin de me retrouver au calme, de me détendre et de me ressourcer (mot que j'utilise à présent mais dont je n'avais pas conscience à l'époque), besoin de me ressourcer dans un espace familier. 

Au lycée, j'ai fini par accepter mon sort, avec plaisir même, étant avec mes amies (entre potes), cette fois dans un self-service, ayant la possibilité de choisir mon repas et de maîtriser mon temps de pause comme je le souhaitais.

Le miroir de mon enfance a fait que je n'avais aucune envie de confier mon fils aux soins peu appropriés de la cantine de l'école.

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Et puis j'ai exercé le métier d'enseignante. Et j'ai bien été obligée de constater une différence flagrante entre les enfants qui mangeaient à la cantine et ceux qui prenaient leur déjeuner chez eux.
Les premiers étaient reposés, prêts à reprendre le travail, l'esprit captif.
Les deuxièmes avaient le coup de barre et paraissaient surexcités en fin de journée.
Une "inégalité qui ne permettait pas à tous les enfants de partir avec les mêmes capacités de travail.

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C'est donc avec ses billes en poche que j'ai pris la décision de ne pas mettre Enzo à la cantine (notez que j'avais le choix!). J'ai donc décidé de le garder avec nous, au travail, entre midi et deux. De lui offrir un sas de décompression, un repas plus alléchant et un moyen de se divertir sans le brouhaha d'une cantine surchargée ou sans l'heure (de trop) à jouer dans la cour (moment qui peut soit épuiser un enfant soit favoriser sa surexcitation).
Malgré le travail, malgré l'heure fatidique du coup de feu dans un restaurant, j'ai fait le choix de le garder près de moi. Sa table et sa chaise installées dans l'atelier de fabrication, il était comme un coq en pattes. Croyez-moi !
Et moi, malgré la difficulté à gérer "la chèvre et le chou" (passez moi l'expression j'aurais du dire "l'enfant et la pizza"), malgré l'incommodité à gérer mes pizzas et ses demandes...je l'avais près de moi, nous pouvions discuter, nous câliner, et par beau temps faire un peu de vélo en extérieur.
Il avait à sa disposition sa tablette, ou sa console portable, des coloriages, et parfois même il s'amusait à créer sa propre pizza. Et quand il était fatigué, il avait même la possibilité de s'allonger et de regarder un film, au calme.
J'avais le bonheur d'aller le chercher à l'école à 11h30 et de le ramener à 13h30 : instant privilégiés pour communiquer ensemble et nous parler.
Il était dans son cocon familial, son père, sa mère et son environnement familier. Le bonheur !

*****

Il a fait plusieurs tentatives de cantine. Toutes avortées...parfois par l'attitude ingrate des dames de services l'ayant séparé de ses amies parce qu'ils "parlaient trop en mangeant" (non mais oh ! c'est pas la prison quand même !). Ses essais se sont soldés par des échecs, "parce qu'on lui manquait" que ça faisait trop long pour lui. Qu'il préférait être avec nous! Au final ses tentatives ont toutes été abandonnées au profit du repas avec papa et maman. J'avoue...je ne l'ai pas poussé à aller à la cantine. Il n'y avait pas la nécessité !

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Et puis il y a quelques jours à peine, il a demandé à tenter de nouveau la cantine, avec ses copains. C'est lui qui a insufflé cette nouvelle tentative, il en était à l'initiative. Il a fini par s'ennuyer avec nous. Sa petite chaise et sa petite table étaient devenues trop petites pour lui. Son espace trop restreint. Il a soudainement eu envie de bouger, d'aller voir ses amis et de partager du temps avec eux plutôt qu'avec ses "vieux" parents.
Il nous a demandé de lui-même de manger à la cantine, par besoin, par envie et non par obligation. Un besoin soudain de convivialité, pour un petit garçon qui grandit et qui a besoin d'échanges entre enfants de son âge...

Aujourd'hui, il mange à la cantine 3 jours par semaine (j'ai négocié encore un jour avec nous...par nostalgie, parce que le temps passe trop vite). Et il adore ça ! Il a cette capacité à manger de tout, à goûter à tout de telle sorte qu'il ne se sent pas prisonnier du menu imposé. Il mange à table entre copains et copines (il a même demandé s'il ne pouvait pas avoir des bougies pour sa petite copine et lui), et après le repas il participe à des activités prévues dans l'école : capoeira, foot et théâtre...

C'était l'âge idéal pour le laisser aller manger à la cantine et petit à petit agrandir son cercle autour de son noyau familial. A présent nous ne sommes plus sa priorité (plutôt sain comme démarche !), il a besoin d'air, il a besoin de partager du temps avec ses camarades et il prend jour après jour son envol vers l'indépendance...mais à son rythme.

Aujourd'hui je suis fière !
Fière d'avoir fait ce choix de changement de vie, de métier...pour pouvoir partager ce temps précieux du midi avec lui.
Aujourd'hui je suis fière d'avoir fait des concessions pour lui proposer la meilleure alternative compte-tenu de ses besoins de petit garçon.
Fière de lui avoir permis d'être à nos côtés, en sécurité, serein et heureux (ça se voyait!).
Et fière d'avoir su couper le cordon au moment où il me l'a demandé, au moment où il s'est senti capable de manger en collectivité...

Tout s'est fait en douceur, au rythme de chacun.
Je ne regrette pas ce temps de partage auquel nous avons eu l'immense bonheur de prendre part.
Aujourd'hui il prend son plaisir avec ses copains, une nouvelle page s'est tournée, un petit pincement au cœur pour nous qui le voyons nous échapper, mais une grande fierté pour lui qui a franchit une étape de plus dans son autonomie et sa liberté, sans contrainte, sans heurts et sans mal-être  ! 

Il aurait pu y manger bien plus tôt (s'il n'avait pas eu le choix!, il n'est pas en sucre et il aurait fait comme tout le monde) mais dans l'absolu, à partir de 7 ans, pour la cantine, je pense que c'est un âge idéal. Parce que c'est à partir de cet âge là que l'enfant commence à devenir autonome, à tisser des liens avec le monde extérieur, et c'est également à cette période qu'il peut commencer à assumer le poids d'une longue journée de travail à l'école (car mine de rien, c'est long et pénible d'être en classe!)


Note au lecteur : la cantine n'est pas non plus le bagne, quand on n'a pas le choix (et ben on n'a pas le choix!)...mais quand on peut les garder auprès de nous, quand on peut leur offrir ce sas de décompression si utile dans leur longue journée d'école, je crois qu'il ne faut pas s'en priver. Bien sûr, ce sont parfois des concessions, c'est une journée hachée, pour nous, parents, qui faisons beaucoup d'aller-retour jusqu'à l'école, mais quel plaisir intense! Et quel confort pour nos petits !





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