lundi 23 février 2015

Comment parler de la mort à son enfant ? (pistes de lectures)

Il a vécu son premier deuil. 
A 6 ans...
 


Il y a de cela quelques semaines à peine (même pas un mois en fait), j'ai perdu ma grand-mère. Ma Mamie qui m'a en partie élevé. Un être cher qui faisait partie de moi. Une personne que je chérissais...et qui s'est petit à petit éteinte dans les derniers mois de sa vie, à cause de cette "putain" (désolée pour le terme) de maladie d’Alzheimer.
Ma peine fut immense...
Et par delà la peine, il a fallut gérer l'annonce à Mini Loulou, 6 ans... qui connaissait bien Mamie Mado.

Lorsque j'ai appris l'hospitalisation de ma grand-mère, un mardi soir de janvier, alors qu'elle avait fait un malaise... (sans autre explication de l’aide-soignante de la maison de retraite) je ne me suis pas paniquée. Ça n'avait pas l'air grave vu la manière dont on m'avait prévenu.

Je suis donc partie travailler, comme n'importe quel soir de semaine, laissant mon mari et mon fils à la maison. J'étais inquiète de la savoir aux urgences, mais je me savais impuissante tant qu'un diagnostique n'était pas tombé. Je n'en n'ai donc pas parlé de l'hospitalisation de ma Mamie à Enzo en partant au travail.

Dans la soirée, ma grand-mère s'est éteinte, je n'ai même pas eu le temps de l'embrasser une dernière fois. Son cœur a lâché... J'ai passé la nuit à pleurer, je suis allée la voir...même si je ne pouvais plus lui parler, même si je ne me sentais pas le cœur à la voir ainsi... Ce fut une soirée pénible. Difficile. 
Et pendant ce temps-là, mon mari a pris le relai à la pizzéria, et mon beau-frère est venu garder Enzo, prétextant une panne de scooter. Mini Loulou s'est donc endormi serein, alors que je pleurais dans la chambre à côté.

Le matin, les yeux encore embrumés et le cœur gros, je n'ai pas voulu en parler à Enzo...qui allait à l'école. Ça n'était pas le moment. Je n'avais pas le temps de lui parler, je ne voulais pas qu'il reste seul à l'école, le cœur gros lui aussi. Alors nous ne lui avons rien dit. Nous attendions le bon moment.

L'après-midi, sa Mamie l'a amené à la musique, et là encore, nous l'avons préservé de l'annonce, parce que le temps nous manquait, parce que nous savions que nous ne serions pas auprès de lui pour répondre à ses demandes, pour le consoler...

Pendant ce long laps de temps (entre la veille au soir et le lendemain 15h00), je me suis renseignée ça et là pour trouver la meilleure façon de lui annoncer la mort de ma grand-mère. J'ai lu un peu partout comment je devais m'y prendre.

Et à 15h00 c'est finalement son Papa qui lui a annoncé la nouvelle, en lui disant que Mamie Mado était âgée, qu'elle était malade, et qu'elle est morte. 

Enzo nous a regardé et a ri !

Je ne vous raconte pas ma colère sur le coup. Moi qui avait eu tant de mal à le lui dire. Moi qui appréhendais sa réaction. Moi qui avais peur qu'il soit inconsolable (surtout qu'en ce moment, ses propos sont très tournés vers la mort et sa peur de mourir). 
Je me suis sentie désemparée sur le coup. Et mon mari m'a dit de ne pas le prendre mal, qu'il ne savait pas ce qu'il faisait, que c'était sa manière à lui de réagir. Qu'il fallait le laisser digérer l'annonce.

Alors j'ai décidé de partir à l'église, pourtant pas vraiment pratiquante, mais j'avais besoin de me recueillir...et j'avais besoin du calme de l'église pour relâcher la pression. Nous y sommes allés ensemble, Enzo et moi, et j'ai pleuré. Il ne savait trop comment réagir, il m'a pris dans ses bras, et il m'a consolé. 
Nous avons longtemps parlé. Je lui ai expliqué que j'étais triste, que c'était ma Mamie, que je l'aimais...mais j'en ai profité pour lui dire, aussi, que la vie continuait. Que nous devions nous rappeler d'elle mais surtout continuer à Vivre ! C'est un message qui me semble tellement important face à la mort, moi qui ai vécu le décès de mon Papa à 15 ans...continuer à vivre.

Et puis, les jours d'après, Enzo a demandé davantage de détails sur la mort de Mamie Mado. Il a demandé où, comment et pourquoi elle était morte. Et nous avons répondu avec nos mots, avec nos armes...sans rentrer dans les détails...parce qu'il n'a que 6 ans. Il a même demandé des détails sur la crémation (puisque c'était le choix de ma grand-mère)...dur de répondre à de telles questions!

Il a aussi été très sarcastique durant de nombreux jours...Et encore aujourd'hui, presque un mois après, il continue à aborder le sujet de façon ironique (voire méchante). Sa façon à lui de réagir à la nouvelle. Il répète souvent que Mamie Mado est Morte (en insistant bien en le disant)...qu'on ne la reverrai plus...comme pour se persuader lui-même. Et je vous l'avoue, j'ai ressenti une sorte de provocation. On aurait dit qu'il cherchait à m'atteindre en me disant ça.

Il a fallu aussi, lui parler des funérailles. Nous lui avons expliqué le choix de ma Mamie de se faire incinérer. Sans trop rentrer dans les détails. Et nous lui avons parlé de la cérémonie religieuse qui allait avoir lieu. Nous lui avons répété à plusieurs reprises mais il n'a pas souhaité y assister...en tous cas il n'en n'a pas parlé.
Il n'a pas fait la demande d'être présent aux funérailles mais a tenu à faire un dessin pour Mamie Mado que j'ai glissé dans son cercueil...sa manière, à lui, de lui dire au revoir.



Aujourd'hui, je suis fière d'avoir pu aborder le sujet avec autant de "facilité" (le sujet était grave mais les mots ont été faciles à poser), sans tabou, à demi-mots pour qu'il sache l'essentiel sans être écrasé sous le poids d'un tel évènement. Il m'a vu pleurer, il m'a vu triste...mais je lui ai toujours expliqué pourquoi je pleurais.

Enfant, j'ai perdu mon père et à l'époque, je n'ai pas eu "la chance" d'avoir une telle annonce. 
Je ne fais aucun reproche, car perdre un père, c'est une situation tellement difficile et complexe que l'entourage en perd ses mots. Je le comprends aisément aujourd'hui. 
Mais avec le recul, avec l'expérience, avec la maturité et après avoir lu pas mal de bouquins à ce sujet...je sais qu'il ne faut pas cacher ni la maladie ni la mort de quelqu'un de proche à un enfant. Un enfant est apte à comprendre si on lui explique, avec des mots adaptés, sans rentrer dans des détails sombres... Mais on ne doit surtout pas cacher la vérité à un enfant. 
C'est un peu ce qui m'est arrivée, adolescente, la maladie de mon père était très grave, et on ne me l'a pas dit. Je ne veux pas rentrer dans des détails intimes...mais ce que je peux vous dire, c'est que je n'imaginais pas du tout qu'il pouvait mourir. Et quand il est décédé, je n'ai pas pu faire mon deuil...car je devais être forte, ne pas me laisser aller, tout juste pleurer... Et puis mon entourage a brouillé les pistes autour de la mort de mon père...je n'ai pas su exactement comment il était mort. En m'éloignant, on m'a ôté la possibilité de comprendre l'évènement.

Le lendemain du décès de mon Papa, j'étais à l'école.

Je ne veux incriminer personne, surtout pas ma Maman qui a fait au mieux face à une telle situation. Elle a cru bon de me stimuler pour que je reprenne le cours normal de ma vie. 

Seulement je sais maintenant qu'il faut laisser le temps au temps. Qu'il faut un certain laps de temps pour pleurer, pour digérer la nouvelle, pour poser des questions, pour être en colère, pour être au fond du trou...et pour rebondir. Facile à dire quand on est pas réellement face à la situation dramatique de la perte d'un proche. En théorie, c'est ce qu'il faudrait faire...

Alors voilà ce que j'ai retenu de ces expériences, 
et que je voulais partager avec vous :

  • Les étapes du deuil chez l'enfant sont différentes de celles de l'adulte
  • Il ne faut surtout pas mentir aux enfants à propos de la mort... ne surtout pas cacher la mort d'un proche ! Il faut affronter la situation toute aussi difficile qu'elle puisse être. Pareil pour la maladie...Ne mentons pas à nos enfants.
  • Dans un premier temps, un enfant réagira probablement comme n'ayant aucun ressenti, il lui faudra du temps pour digérer la nouvelle...il faut lui laisser du temps!
  • Il faut annoncer la mort d'un proche à son enfant en lui disant des mots justes (ne pas dire "il s'est endormi" ou "envolé"), des mots vrais mais adaptés au vocabulaire de l'enfant. 
  • Il faut surveiller les petits signes qui montrent que l'enfant réagit (pipi au lit, pleurs répétitifs, agressivité...) et en parler pour désamorcer la situation
  •  Il ne faut pas cacher sa peine aux enfants et en parler avec eu. J'ai lu quelque part qu'il vaut mieux "pleurer ensemble que chacun dans son coin".
  • En général, il est préférable d'assister aux funérailles du défunt à condition que l'enfant soit bien entouré. Inutile de le forcer surtout quand ils sont jeunes. Et il faudra aider l'enfant à dire Adieu... très important pour le processus de deuil (en allant se recueillir sur la tombe par exemple)
  • Pour aider son enfant à digérer le décès il faut : lui parler, le faire dessiner, l'entourer, le rassurer... et ne pas avoir peur de consulter un spécialiste si on observe des changements significatifs de comportement.

Toutes ces recommandations me font penser au billet que j'avais écrit suite aux récents attentats de Charlie Hebdo... Un attentat, autre évènement dramatique qui peut être choquant pour enfant...sauf qu'il n'est pas recommandé de cacher la réalité à nos enfants (à partir de 6 ans....). Le dialogue est la meilleure solution pour aborder ce genre de sujets...

L'important pour ce genre de situation est d'expliquer la situation à nos enfants avec des mots vrais, sans rentrer dans les détails, tout en étant attentifs à leur réaction. Il faut être capable de les entourer, de les rassurer et de savoir répondre à leurs questions qui viendront tôt ou tard !
Pour être complète, j'ai cru bon de vous mettre le lien du Processus de Deuil chez l'enfant...un court texte en PDF qui peut s'avérer utile pour gérer des situations inextricables.



La librairie 
 l'Atoll Imaginaire
à La Garde (Var)
a fait pour vous une sélection de deux bouquins pour enfants ...pour vous aider à parler de la mort à vos enfants !

 Une Chanson pour l'oiseau
Margaret Wise Brown - Rémy Charlip
Editions Didier Jeunesse
Une chanson pour l'oiseau
Cet album de littérature de jeunesse s'adresse aux enfants "en évacuant tout superflu - une façon singulière d'aller droit au cœur de leur public".
Le thème de la mort, thème principal de l'album, est relayé sans complexité, simplement, avec des mots vrais. 
Dès les premières lignes...on évoque déjà le mot "mort", terme qui sera repris une dizaine de fois au cours du livre. 
C'est un bouquin qui alterne texte et images sur des doubles pages, l'illustration venant expliciter l'écrit, comme un voyage initiatique sur la mort.
En effet ... toutes les étapes du deuil y sont représentées, simplement: l'annonce (ici la découverte), qu'est-ce que la mort, la tristesse, l'enterrement, les fleurs sur le lieu de recueillement, la chanson commémorative au défunt, la pierre tombale en la mémoire du défunt, et l'Adieu au mort...
Une façon poétique de parler de la mort aux enfants...puisque tout est relié à la mort d'un petit oiseau !
 Ce livre montre avec exactitude et talent le rapport qu'entretiennent les enfants avec la mort...
Un processus de deuil est indispensable avant de reprendre le cours normal de la vie d'un enfant : le jeu...
C'est parce que les étapes du deuil ont été respectées que le jeu peut reprendre !
le blog d'une maman (im)Parfaite
un récit aux mots vrais qui touchent les enfants

le blog d'une maman (im)Parfaite
des illustrations épurées pour aller à l'essentiel



Le grand livre de la vie et de la mort
Sylvie Baussier - Sandra Poirot Cherif
Editions Milan
Voici un album documentaire très complet sur le thème de la mort. 
Un livre qui traite de manière raisonnable et raisonnée de la mort. 
Les différentes parties du livres permettent à l'enfant  d'appréhender la mort sous ses différents aspects (la religion est très peu abordée).
Les chapitres : Une plante ça vit vraiment ? / Que devient le corps ? / La vie des êtres humains...

Le livre s'adresse à son lecteur en le tutoyant ce qui permet de rassurer le petit lecteur, devant un thème si lourd. C'est un documentaire qui va répondre aux questionnements typiques des enfants face à la mort ! Une aide précieuse pour les parents qui se retrouvent confrontés au deuil !

A partir de 6 ans... accompagné !

le blog d'une maman (im)Parfaite
le sommaire...
le blog d'une maman (im)Parfaite
un livre documentaire fourni et précis



Merci à Brigitte  (l'Atoll Imaginaire) pour cette sélection de livres...


Retrouvez ce billet dans MA RUBRIQUE "Mes Livres COUP DE COEUR"


EDIT : 
Les gagnants du jeu-concours en partenariat avec le Laser Star Toulon sont :
Anne-Aurore Pairel
Isabelle Chesta
Slo Sicard
Sylvie Waight

Bravo à vous !
Merci de me communiquer vos adresses postales via facebook en message privé !
Et un grand merci !

1 commentaire:

  1. salut,
    justement, je viens d'acheter un livre à l ' Atoll, (merci Gabriel !) , "le grand pére de Tom est mort", puisque c'est malheureusement à notre tour d'expérimenter ça.. j'ai pas pris le grand livre de la vie et la mort parce que il te faut des heures pour le lire, il est tres complet, pour chaque situation, et je voulais juste que lily passe quelques minutes à potasser et en parler.
    Merci pour tes conseils, justement, la question des funérailles se profile..
    bisous.

    RépondreSupprimer

Merci pour votre commentaire ! Laissez votre prénom !