mardi 21 janvier 2014

Changer de travail : petit manuel d'une comerçante

Changer de boulot, beaucoup en rêvent, peu franchissent le pas !

D'enseignante à commerçante



 Pas simple ! Pas simple du tout! 
Quelle galère ! 
Et pourtant !

En 2009, chez nous (à l'époque à Saint-Etienne) ce fut "pétage de plombs". Gab (mon mari) et moi, avons subitement décidé de changer de travail, de tout quitter.
MARRE des horaires de fous, 
MARRE de ne pas pouvoir profiter de nos journées et de n'attendre que le week-end pour vivre, 
MARRE de se croiser pendant la semaine tellement les journées sont longues,
MARRE de se coucher à 20h30 le soir pour pouvoir assurer la journée du lendemain,
dans mon cas, MARRE de l'ambiance "instits", lourde et pesante... parce que le monde des enseignants est un monde à part, un monde où tout le monde sait tout sur tout, un monde fermé, et surtout un monde centré sur l'école, les élèves, les notes, les préparations et les réunions...le reste ne compte pas.

 ~~LE MONDE DES INSTITS~~

Je vous donne un exemple ? 
Vous allez rester bouche-bée en lisant cela :
Pendant une réunion, une collègue enseignante reçoit un appel sur son portable. C'est son mari qui l'appelle pour la prévenir que sa fille (âgée de 15 ans) s'est blessée en passant par dessus une clôture, qu'elle ne fait que perdre connaissance dès qu'elle revient à elle, que les pompiers sont avec elle... 
Quelle a été la réaction de ma collègue ? 
...
Ben non, elle n'est pas partie rejoindre sa fille et son mari, non. Elle a continué la réunion, elle a continué à parler de ses élèves en difficulté au lieu d'aller près de sa fille. Elle a prétexté qu'elle ne pourrait être d'aucun secours là-bas. 
Je ne préfère même pas commenter, il me semble que les actes parlent d'eux-mêmes.
Cette même enseignante organisait chaque dimanche une soirée pizzas pour ses enfants. Sauf que c'était pour s'isoler dans son bureau et préparer les cours de la semaine au calme. 

Une autre enseignante, une directrice d'école aussi, nous narrait souvent les difficultés scolaires et psychologiques de ses enfants. De ses propres enfants. Suivis par un psychologue et par des aides aux devoirs. Et elle, passait la plupart de son temps à l'école, rentrait après 19h00 chez elle et ne prenait pas le temps de prendre en main ses enfants.

Tous les enseignants ne sont pas tous comme ça, et heureusement, mais beaucoup sont coupés du monde extérieur, étant focalisés sur l'école, les élèves, les cours. 
J'en ai beaucoup souffert pendant toutes les années où j'étais enseignante. Il n' y a pas d’échappatoire, toute la journée tourne autour de l'école sans jamais s'évader dans le cadre privé et intime de chacun et chacune. On aurait pu discuter de ciné, de mode, de déco... enfin d'autre chose que de notre métier. 
J'en ai souffert à tel point que durant ma dernière année d'enseignement, avant de changer de travail, je mangeais tous les midis seule dans ma voiture, alors que dehors il neigeait, plutôt que de côtoyer  cette ambiance pesante.

du côté de Gab (Loulou), MARRE de l'ambiance de chacal de la banque.

~~LE MONDE DE LA BANQUE~~

 Il a toujours travaillé à plus d'une heure de chez nous, acceptant toutes les offres lui permettant d'évoluer. Il est arrivé jusqu'à être directeur d'agence avec sous sa responsabilité une dizaine de personnes, mais au dessus de lui, des dirigeants peu scrupuleux, des "chiens", des "raclures", des hommes sans foi ni loi. Prêts à écraser tout le monde pour évoluer encore et encore. Ne parlons pas non plus des objectifs à atteindre. 2 fois par semaine, le matin, avant de bosser un rappel à l'ordre lors d'une réunion, rappelant les objectifs à atteindre. Vendre, vendre et vendre...!!!
Enfin, n'oublions pas de parler des horaires. Il partait à 7h00 le matin et rentrait à 19h00 le soir.




Un raz le bol qui a fait son chemin et qui nous a amené à tout quitter. : boulots, maison, région.
Et pourtant, avec le recul, nous avions tout (ou presque) :

SECURITE DE L'EMPLOI
CONGES MALADIE
SALAIRES RESPECTABLES
VACANCES
VIE CONFORTABLE

Pfuuttt tout a disparu !

Mais nous avons quand même décidé de changer de vie pour devenir commerçants.



Aujourd'hui, nous sommes tous les deux nos propres patrons, patrons d'une pizzeria dans une petite ville de 26 000  habitants. Nous avons foncé dans ce projet tête baissée, sans même réfléchir aux  questions primordiales pour devenir patrons.Nous en avions envie, nous l'avons fait !



Est-ce que je suis une bonne commerçante ? Bonne humeur, capacité de réaction...

Oui, je crois être une bonne commerçante, mais c'est pas évident au quotidien. On n'a pas le droit d'être de mauvais poil, on n'a pas le droit d'envoyer balader un client (sauf cas urgent), on doit se battre quotidiennement pour garder ses clients, on doit les attirer sans les voler, on doit s’intéresser à eux, à leurs envies sans  même les connaître... Il faut savoir réagir à l'installation d'autres commerces concurrents pour garder sa clientèle, pour la fidéliser. Il faut savoir faire preuve d'humilité et accepter que "le client est roi".

Est-ce que je suis prête à changer radicalement de vie ? 

Au début oui, c'était comme un jeu, puis il y a eu plusieurs barrières à surmonter :
  • le travail en couple : la première année où nous avons ouvert, nous étions une bombe à retardement. Notre couple a passé de sales moments. C'est pas évident de travailler avec son conjoint. Et pourtant, nous nous connaissons depuis plus de 15 ans. Seulement au boulot, tout est différent. Il faut assumer tout, tout le temps et ensemble. On découvre le caractère de l'autre, plus aiguisé, plus "acide".
  • la vie de famille: nous sommes 24h/24h ensemble. Au boulot, à la maison, aux courses, au lit. On fait tout ensemble, sans avoir de moments à soi puisque nous avons les mêmes horaires.
  • le rythme d'Enzo bouleversé  : notre vie est en décalage. Nous travaillons le midi et le soir, pendant que la majorité des gens sont en pause. Nous travaillons le week-end et nous n'avons qu'un seul jour de congé par semaine. Cela signifie qu'il faut faire garder Enzo le soir, qu'il faut travailler avec lui le midi (ou le faire manger à la cantine). C'est une organisation différente.
Il faut être hyper motivé et ne pas avoir peur des horaires à rallonge.

Est-ce que mon entourage sera prêt à m'aider ?

C'est une des raisons pour laquelle nous avons changé de région. Nous avions besoin d'être proches de nos parents pour l'équilibre d'Enzo. Grâce à eux, Enzo n'est gardé par une nounou (une amie) qu'un seul soir par semaine. C'est du luxe et c'est indispensable.
Par contre, la famille (celle qui n'a jamais été dans le commerce) aura davantage de mal à nous soutenir parce que tant qu'on n'a pas trempé dans le commerce en étant son propre patron on ne comprend pas les difficultés que nous pouvons rencontrer.

Est-ce que je saurai gérer mes employés ?

C'est la partie la plus difficile de notre travail. Nous sommes dans des métiers manuels, très peu intellectuels, avec des contrats "précaires" puisque le temps de travail est moindre que dans une entreprise classique, avec des contrats saisonniers l'été...bref, avec des salariés souvent peu motivés et peu impliqués dans la société. 
Pourtant nous essayons d'être proches d'eux pour installer une ambiance de travail agréable et détendue. Mais c'est trop dur. Malheureusement, nos salariés sont la cause de beaucoup de nos soucis : retards, absences, accidents en livraison, manque de sérieux, oublis dans les commandes... 
Mon mari a une image qui montre bien ce que l'on vit au quotidien : lorsqu'on est patrons, on porte son entreprise à bouts de bras, et les salariés nous rajoutent du poids sur notre dos, en permanence. Cela nous freine au lieu de dynamiser l'entreprise. 
Je sais que j'en choque plus d'un et plus d'une en écrivant cela. La plupart d'entre vous doivent être salariés et ne comprennent peut-être pas mes propos. Mais c'est la vérité.
Sur une vingtaine d'employés qui sont passés dans la pizzéria, seuls 3 ou 4 se sont impliqué, ont su faire preuve de dynamisme, de sérieux, d'implication...
J'aurais des tonnes d'exemples à vous donner. Des exemples de manque de sérieux dans leur travail qui ont failli faire chuter l'entreprise. C'est comme des poids qui nous tirent en arrière au lieu de nous aider à avancer. 
Le soir, Gab et moi faisons les pizzas, il y a aussi les livreurs et la serveuse...Et bien Gab et moi sommes les seuls à ne pas nous arrêter, à gérer les commandes, les pizzas, la salle, les livreurs, on vérifie tout, tout le temps...Pourquoi ? Parce qu'il y en a un qui va oublier la bouteille de soda, l'autre qui va prendre les pizzas destinées à un autre client, l'un qui va oublier de dire bonjour lorsqu'un client entre dans le magasin... Bref, je vous jure que c'est vrai : certains soirs, il y a tellement de tension, tellement le coup de feu est intense, j'ai l'impression que des rides me poussent sur le front et autour des yeux. 
C'est épuisant !!!



C'est épuisant mais tellement motivant. C'est quasiment une drogue. 
On bosse beaucoup, on n'a pas le salaire qui est en rapport avec les heures de travail, on a énormément de soucis mais cela devient une vraie passion. 
C'est un métier qui aboutira, j'en suis certaine à un épanouissement profond.

Mais pour atteindre cet épanouissement, il a fallu comprendre certaines choses :
- il faut savoir sortir du cadre du travail quand on rentre à la maison
- il faut se laisser du temps pour d'autres passions
- il faut se dégager du temps seule, sans son conjoint
- il faut privilégier ses enfants au lieu de s'enfoncer dans des horaires à rallonge qui nous empêchent de voir grandir nos enfants
- il faut se faciliter la vie au travail : aller vers l'essentiel, le pratique, le rentable
- il faut accepter de travailler plus et gagner moins
- il faut se rendre compte que nos horaires sont un cadeau (et oui, je peux amener mon enfant à l'école et aller le chercher, il ne mange pas à la cantine, on peut aller balader deux heures en journée...)
- et enfin il faut se rendre compte qu'on a peu de contraintes liées à une tierce personne

'Mes Petits Conseils de Commerçante'



Aujourd'hui, je peux dire que le changement de vie est réussi.
 CHANGER DE TRAVAIL : OK 

C'est difficile, tous les jours y a un souci à gérer (un salarié, le matériel, les clients) un souci qu'il faut absolument gérer car sinon l'argent ne rentre pas. Y a pas le choix. Difficile car notre confort de vie a changé. Nos finances ne sont pas les mêmes qu'avant. Difficile car physiquement il faut suivre.
Mais nous sommes heureux d'avoir ce que nous avons, de voir que ce que nous avons est étroitement lié à notre travail, à notre volonté, à nos efforts. Et puis, Enzo n'a pas l'air d'en souffrir. Nous avons fait en sorte que son cadre de vie soit rassurant et harmonieux, et il a réussi à s'adapter.

Voilà la vie d'une Maman-Commerçante, qui doit éduquer son enfant et gérer une entreprise.
C'est passionnant ! Parfois démotivée, vous lirez aussi mes coups de gueule !

Si certaines d'entre vous sont comme moi, commerçante,  n'hésitez pas à écrire ici et à partager votre ressenti.

Pour aller plus loin dans la démarche : http://lentreprise.lexpress.fr/business-commerce/sept-questions-a-se-poser-avant-d-ouvrir-un-commerce_12818.html



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